Cette sélection de photos accompagnées de légendes permet de se faire une idée précise de ce en quoi a consisté la participation active de soldats blancs au plus grand massacre génocidaire anti-Tutsi au Rwanda: celui de Bisesero, dernière poche de résistance civile au génocide. Les rescapés tutsi découverts puis abandonnés à leurs tueurs pendant trois jours à partir du 27 juin 1994 par les soldats français de l'opération Turquoise étaient les rescapés de ce massacre qui avait fait plus de 40.000 victimes. L'abandon du 27 juin est susceptible d'avoir été motivé par le souci qu'il ne reste aucun témoin de la participation de soldats blancs (désignés comme français par d'anciens génocidaires qui massacraient les Tutsi avec eux) au massacre du 13 mai. Ces deux événements sont assurément indissociables.
Sélection de photos d’entretiens individuels avec des rescapés
Sélection de photos d’entretiens individuels avec des rescapés effectués au cours de la première partie de l’enquête (une à deux heures d’entretien par témoin). Ce n’est que dans un deuxième temps, et suite aux révélations faites aussi bien à l’occasion de certains de ces entretiens qu’à l’occasion d’entretiens individuels avec d’anciens génocidaires, qu’auront lieu quelques reconstitutions sur le terrain, auxquelles se joindront d’autres témoins, aussi bien rescapés qu’anciens génocidaires.
Antoine Sebirondo dans une chambre du Home Saint-Jean de Kibuye, le 21 avril 2009 :
- Antoine Sebirondo (21 avril 2009, dans une chambre du Home Saint-Jean de Kibuye)
- "Le 12 mai, quand j’étais sur la colline Nyakigugu, j’ai vu des véhicules avec des Blancs passer. (...) C’étaient des voitures militaires avec des bâches. J’ai bien vu des militaires en uniforme. Je pouvais voir que c’étaient des Blancs."
- Antoine Sebirondo (21 avril 2009, dans une chambre du Home Saint-Jean de Kibuye)
- "Les véhicules se sont arrêtés dans le fief des miliciens Interahamwe, à l’endroit même où ils avaient l’habitude de se rassembler. (…) Ils entouraient le véhicule. C’étaient des miliciens Interahamwe."
Sylvère Nyakayiro dans son commerce de Mubuga, le 30 avril 2009 :
- Sylvère Nyakayiro (30 avril 2009, Mubuga, dans son commerce)
- "Ce jour-là [le 13 mai], il y avait trop de monde. Tout le monde était mélangé. D’un côté, on rencontrait un Blanc, on rencontrait un soldat rwandais, on rencontrait un milicien."
- Sylvère Nyakayiro (30 avril 2009, Mubuga, dans son commerce)
- "Les Blancs, ils tiraient sur les collines. Ils tiraient. (…) Ils ont tiré avec des roquettes. Ils ont tiré avec ça parce qu’ils voulaient nous effrayer pour qu’on sorte des bois. Souvent, c’était tellement puissant qu’on tombait sur le coup, et même les arbres tombaient. Nous, on courait et évidemment les femmes tombaient"
Sélection de photos d’entretiens individuels avec d’anciens génocidaires
Sélection de photos d’entretiens individuels avec d’anciens génocidaires effectués au cours de la première partie de l’enquête. Ce n’est que dans un deuxième temps, et suite aux révélations faites aussi bien à l’occasion de certains de ces entretiens qu’à l’occasion d’entretiens individuels avec des rescapés, qu’auront lieu quelques reconstitutions sur le terrain, auxquelles se joindront d’autres témoins, aussi bien rescapés qu’anciens génocidaires.
Entretien en date du 28 avril 2009 avec Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe à Ruhengeri (nord du Rwanda). L’entretien, qui dure plus de trois heures, a lieu dans la salle polyvalente des bureaux de l’ancienne préfecture de Kibuye.
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (salle polyvalente des bureaux de la province de Kibuye, 28 avril 2009)
- "Pour différencier les Hutu des Tutsi, on est parti [le 13 mai] couverts de feuilles de bananier. Parce qu’ici, il y beaucoup de bananiers."
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (salle polyvalente des bureaux de la province de Kibuye, 28 avril 2009)
- "Les militaires français tiraient sur les endroits où les Tutsi s’étaient entassés."
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (salle polyvalente des bureaux de la province de Kibuye, 28 avril 2009)
- "Quand le feu s’arrêtait, nous courions finir tous ceux qui bougeaient encore."
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (salle polyvalente des bureaux de la province de Kibuye, 28 avril 2009)
- "Oh que oui, ils leur tiraient dessus ! Ils leur tiraient dessus. Et d’ailleurs, à cette époque, il n’y avait pas d’Inkotanyi [Rebelles de la branche armée du FPR] à Bisesero. Parce que les Inkotanyi sont arrivés à Bisesero au mois d’août. Au mois d’août, vers le 19-20. C’est d’ailleurs à ce moment que j’ai vu pour la première fois les Inkotanyi dans notre commune de Mubuga"
Entretien avec François Nyamwigema, le 30 avril 2009.
- François Nyamwigema (30 avril 2009)
- "Le 12 mai, on est parti avec les Français à Bisesero. Eux y sont allés en véhicules, tandis que nous, nous y sommes allés à pied."
- François Nyamwigema (30 avril 2009)
- "Un des véhicules appartenait aux Blancs, et un autre appartenait au bourgmestre."
- François Nyamwigema (30 avril 2009)
- "On est partis à la recherche des gens qui étaient encore en vie à Bisesero. (…) Pour évaluer leur nombre. (…) On marchait en observant les collines sur lesquelles on les voyait. (…) On ne les comptait pas. On ne pouvait pas. Mais on essayait d’évaluer leur nombre."
Entretien avec Jean Ngarambe à Mubuga, le 30 avril 2009.
- Jean Ngarambe (Mubuga, 30 avril 2009)
- "Je ne savais pas qu’il y avait des militaires français par ici. Je savais seulement qu’il y avait des gendarmes rwandais. Mais quand je suis arrivé [le 12 mai à Mubuga], j’ai vu des Français dont on nous a appris qu’ils étaient venus en renfort."
- Jean Ngarambe (Mubuga, 30 avril 2009)
- "Quand on est arrivé là [le 13 mai], les assaillants ont commencé à circuler dans les collines et à repousser les Tutsi vers les positions des soldats rwandais et français jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment proches d’eux. C’est alors qu’ils leur tiraient dessus."
- Jean Ngarambe (Mubuga, 30 avril 2009)
- "Les soldats français et rwandais tiraient, après quoi les blessés étaient achevés par les miliciens."
Entretien avec Fidèle Simugomwa à Mubuga, le 30 avril 2009.
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (Mubuga, 30 avril 2009)
- ’Jusqu’à présent, ça me fait très mal, profondément. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas dissimuler ce qui s’est passé."
- Fidèle Simugomwa, milicien interahamwe (Mubuga, 30 avril 2009)
- "Encore aujourd’hui ça me fait très mal, parce que parmi ces Tutsi, il y avait mes meilleurs amis."
Sélection de photos de reconstitutions sur le terrain
Sélection de photos de reconstitutions sur le terrain de scènes préalablement décrites au cours d’entretiens individuels. Certaines reconstitutions sont individuelles, d’autres collectives.
Visualisez les noms des localités et collines mentionnées ci-après à l’aide de la Carte des environs de Bisesero
12 MAI 1994 : LA PREPARATION DU MASSACRE DES CIVILS TUTSI DE BISESERO
Reconstitution en date du 30 avril 2009 avec un rescapé de la matinée du 12 mai 1994 (lieu : colline de Nyakigugu, à Bisesero) :
- Antoine Sebirondo (Nyakigugu, 30 avril 2009)
- "Le 12 mai 94, on se cachait dans des trous, dans cette colline-là. Il y en a beaucoup. Ce sont des trous qu’on creusait quand on cherchait de la cassitérite autrefois. C’est là que j’ai vu des véhicules de Blancs passer par ici. (…) Ils ne se sont pas arrêtés. Ils ont continué. (…) Ils ont continué et se sont arrêtés à Ruhuha"
13 MAI 1994 : LE DEPART DES GENOCIDAIRES POUR BISESERO
Reconstitution en date du 15 février 2010 avec d’anciens génocidaires du rassemblement populaire en matinée du 13 mai 1994 sur la place de Mubuga. Juste après ce rassemblement, la foule se rendit à pied à Bisesero. (lieu : Mubuga) :
- Hesron Bazimaziki (Mubuga, 15 février 2010)
- "[Sikubwabo] nous a dit [le matin du 13 mai] que le but, c’était d’éliminer, d’exterminer totalement les Tutsi de Bisesero, et qu’après, on y installerait d’autres personnes, qu’après leur extermination, on y implanterait d’autres personnes."
13 MAI 1994 : LE MASSACRE DES CIVILS TUTSI DE BISESERO
Reconstitution en date du 15 février 2010 avec deux anciens génocidaires du massacre des civils tutsi rassemblés sur les collines de Mataba (dit aussi "colline de Sakufe"), Kagari et Muyira (lieu : colline d’Uwingabo faisant face à ces trois collines) :
- Jean Ngarambe (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Ceux qui venaient de Gisovu et de Gikongoro se sont dirigés vers cette colline où se trouvaient les Tutsi, et les ont refoulés jusque vers cette petite colline-là (Kagari). Une fois que ces Blancs, qui étaient avec nous ainsi qu’avec les soldats rwandais, les eurent rassemblés et refoulés là-bas, ils ont placé des roquettes sur leurs fusils, et les ont balancés dans cette direction. (Raphaël Mageza fait alors le geste indiquant comment ils mettaient ces roquettes)."
- Raphaël Mageza (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Moi, j’en ai vu d’autres. J’en ai vu par exemple à Nyiramakware. Parce qu’à partir d’ici, quand on tuait ces Tutsi, certains nous échappaient et se mettaient à courir par exemple en descendant vers là-bas, parce qu’il y a des forêts. Alors on les a poursuivis. En les poursuivant, on est arrivé à Nyiramakware. Là, il y avait d’autres attaques, et dans ces attaques, il y avait également d’autres Blancs."
- Jean Ngarambe (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Quand les Tutsi se déplaçaient pour se sauver - c’est compréhensible -, nous courions après eux, et les autres aussi se déplaçaient. Ils n’allaient pas rester comme ça, stationner, alors que leur but était de tuer. Ils n’étaient pas là pour garder les corps"
- Raphaël Mageza (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Moi, dans mon coeur, vraiment, je n’avais pas peur du tout. Parce que ces gens-là qu’on attaquait, je me rendais compte qu’ils n’avaient pas d’arme lourde pour nous combattre."
Reconstitution en date du 15 février 2010 avec des rescapés du massacre des civils tutsi rassemblés sur les collines de Mataba (dit aussi "colline de Sakufe"), Kagari et Muyira (lieu : colline d’Uwingabo faisant face à ces trois collines) :
- Emmanuel Karebana (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Nous avons vu des Blancs. Nous avons vu des Interahamwe rwandais. Vous voyez cette route-ci ? Elle était pleine de véhicules, de bus, de camions, des véhicules qui amenaient des gens de loin, et cette route était pleine. Lorsqu’ils sont arrivés ici, ils ont fait une sorte de chaîne. Il y avait des Blancs, des Rwandais, des Interahamwe, des militaires."
- Emmanuel Karebana (Uwingabo, 15 février 2010)
- "Quand ils envoyaient leurs roquettes, vous voyiez les arbres tomber, les branches des arbres, qui étaient cassées, tombaient, de telle sorte que c’est ce jour où les Blancs sont venus que j’ai perdu le plus d’enfants."
Premiers témoignages d’anciens génocidaires recueillis en date du 15 février 2010 du massacre des civils tutsi rassemblés sur la colline de Gititi (lieu : Mumubuga) :
- Elie Ngezenubwo (Mumubuga, 15 février 2010)
- "Les Blancs tiraient, et nous, nous utilisions les machettes et les gourdins pour aller achever ceux qui n’étaient pas morts sur le coup."
- Fidèle Uzabaraho (Mumubuga, 15 février 2010)
- "Quand nous sommes arrivés là-bas, on nous a montré où nous devions nous arrêter. Ils nous ont positionnés. Ils nous ont mis dans des positions avec nos armes, avec nos instruments. Et les Blancs, eux, ont coordonné ce qu’ils avaient à faire avec les militaires rwandais."
Reconstitution en date du 15 février 2010 avec un ancien policier génocidaire du massacre des civils tutsi rassemblés sur la colline de Gititi (lieu : colline de Kanyinya faisant face à celle de Gititi) :
- Sylvestre Rwigimba (Kanyinya, 15 février 2010)
- "C’était une grande arme. Même si j’étais policier, je ne la connaissais pas, et je n’avais jamais appris à utiliser une telle arme. Le canon avait au moins la taille de cet objectif de la caméra. La taille du canon était comme ça."
- Sylvestre Rwigimba (Kanyinya, 15 février 2010)
- "Ici, il y avait quelques Français. D’autres se trouvaient de l’autre côté du véhicule. Il y avait également des militaires rwandais avec eux. Ils étaient mélangés aux Français. Moi, j’étais stationné ici. Et là-bas, ça faisait un gros bruit : « Bouh ! » Sylvestre parle maintenant de son arme : "C’était une arme à répétition qui ne pouvait pas tirer jusque là-bas. Elle était trop petite pour ça."
- Sylvestre Rwigimba (Kanyinya, 15 février 2010)
- "Ce sont les Blancs. Ce sont eux qui tiraient sur une grande foule qui se trouvait par là, sur cette colline. Ils faisaient tourner leur arme dans tous les sens."
Reconstitution en date du 15 février 2010 avec des rescapés du massacre des civils tutsi rassemblés sur la colline de Gititi (lieu : colline de Kanyinya faisant face à celle de Gititi) :
- Casimir Ruzindana (Kanyinya, 15 février 2010)
- "Le 13 mai 1994, plusieurs véhicules sont montés par ici. Il y avait des Interahamwe et des Blancs assez nombreux. Ils sont venus sur cette colline. Ils se sont arrêtés sur cette route. Nous nous trouvions sur la colline en face, la colline de Gititi. Ils ont implanté un fusil ici, ainsi qu’une arme à feu que nous ne connaissions pas, que les Interahamwe ne possédaient pas. Ils nous ont envoyé des obus ou des balles de gros calibre."
Reconstitution en date du 16 février 2010 avec des rescapés du massacre des civils tutsi rassemblés sur la colline de Nyiramakware (lieu : colline de Mumubuga faisant face à celle de Nyiramakware) :
- Martin Nzayisenga (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Sikubwabo était vêtu d’une tenue militaire, ainsi que les Blancs qui se tenaient entre les militaires."
- Martin Nzayisenga (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Les projectiles qu’ils envoyaient provoquaient un bruit très fort à l’endroit où ils tombaient, de telle sorte que même si on n’était pas tué, on sentait quand même la colline trembler à l’endroit où nous étions assis. Quant aux armes des Interahamwe, nous ne les craignions alors, elles, presque plus."
- Vincent Karangwa (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Là-bas, il y avait une galerie, une grande tranchée, où s’étaient cachés énormément de gens. Ils se sont jetés, suicidés dans cette tranchée, dans ce trou, parce qu’il n’y avait plus de refuge."
- Faustin Ngarambe (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Eux, ils sont descendus un peu plus bas, et ont continué à tirer. Il leur arrivait de s’approcher des corps pour voir si les gens étaient morts. Quant aux Interahamwe, ils achevaient ceux qui n’étaient pas complètement morts."
Reconstitution en date du 16 février 2010 avec d’anciens génocidaires du massacre des civils tutsi rassemblés sur la colline de Nyiramakware. Chacun de ces anciens génocidaires est positionné à l’écart des autres témoins, à un des endroits où se tenaient un des soldats blancs qui, le 13 mai, prenaient pour cible les Tutsi situés sur la colline en face, la colline Nyiramakware. (lieu : colline de Mumubuga faisant face à celle de Nyiramakware) :
- Jean Ngarambe (Mumubuga, 16 février 2010 )
- "Celui qui se trouvait ici visait la partie haute de la colline pour les empêcher de fuir là- bas, dans la direction nord."
- Hesron Bazimaziki (Mumubuga, 16 février 2010)
- Uziel Habimana (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Il y avait ces soldats blancs, ainsi que des Interahamwe qui venaient de Bugarama, d’autres qui venaient de Gisenyi. Alors, ces militaires se sont mis à tirer, après quoi celui qui, en titubant, sortait de sa cachette, de la brousse, blessé ou pas, nous le coupions."
- Raphaël Mageza (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Quand je suis arrivé ici même, j’y ai trouvé un Blanc qui se tenait là. On nous a dit de descendre, et de se mettre à la recherche des blessés agonisant qui seraient encore là-bas, en dessous, afin de les achever. (…) Ce sont les Interahamwe qui étaient venus de Bugarama. Ils nous ont dit : « Recherchez les blessés, et achevez-les. »"
- Raphaël Mageza (Mumubuga, 16 février 2010)
- "Les survivants s’étaient enfoncés dans les galeries dont ils avaient bloqué l’entrée avec leurs morts. Nous avons enlevé ces morts qui bloquaient l’accès des galeries, et nous y avons trouvé, à l’intérieur, des gens encore vivants. Nous les avons vus, et nous les avons tués."