Rushes 2009

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  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC AUGUSTIN KARASIRA (RESCAPÉ) :

Témoignage d'Augustin Karasira recueilli par Serge Farnel en avril 2009 à Kicukiro. Témoignage recueilli directement en français.

Contrairement aux vidéos qui suivent, il ne s'agit pas, pour ce premier entretien, de rushes mais d'un montage. Je ne dispose pas des rushes de cet entretien.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC JEAN-BOSCO SENGOGA (RESCAPÉ) :

Témoignage de Jean-Bosco Sengoga recueilli par Serge Farnel en avril 2009 à Kigali. Témoignage recueilli directement en français.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC ADRIA (RESCAPEÉ) :

Témoignage d'Adria (rescapée) recueilli par Serge Farnel le 17 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye.

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC TÉLESPHORE IYAMUREMYE (RESCAPÉ) :

Témoignage de Télesphore Iyamuremye (rescapé) recueilli par Serge Farnel le 17 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye (Rwanda)

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Shaza Bakwira-Gahiga

Résumé: Au cours de cet entretien, Télesphore raconte avoir aperçu, en 1991, et ce à plusieurs reprises, une dizaine de soldats français venir, en compagnie d'une trentaine d'Interahamwe, se détendre pendant leur week-end à Kibuye. Il raconte, par ailleurs, comment il a tenté de rejoindre l'Ecole Normale Technique (ENT) de Kibuye, où les soldats français de l'opération Turquoise avaient pris leurs quartiers, ce après qu'ils aient fait savoir qu'ils y accueilleraient les Tutsi qui leur y seraient amenés. La présence sur la route principale menant à l'ENT d'une barrière contrôlée par des Interahamwe n'hésitant pas à y tuer les Tutsi, l'empêcha toutefois d'y accéder. Le pasteur hutu qui, depuis deux mois, cachaient Télesphore en sa demeure, se déplaça alors à l'ENT. Les soldats français lui refusèrent toutefois leur aide consistant à venir eux-mêmes récupérer chez lui son protégé.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC MICHEL KAYIHURA (RESCAPÉ) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 18 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye.

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Yolande Mukagasana. Les sous-titres en français sont le résultat de cette vérification.

Résumé: Michel Kayihura raconte les circonstances dans lesquelles eut lieu, le 27 juin 1994 à Bisesero, la rencontre entre des soldats français de l’opération Turquoise et des Tutsi qui étaient jusqu’alors parvenus à échapper au génocide les visant. Il fit partie de ces nombreux Tutsi qui sortirent à cet instant de leur cachette pour aller à leur rencontre, à l’occasion de laquelle des cadavres leur furent montrés. Michel participa, par ailleurs,avec d’autres Tutsi, à désigner à l’attention des soldats de Turquoise certains de leurs assassins alors visibles au sommet d’une colline. Après que Jean-Baptiste Twagirayezu, qui faisait office de guide et d’interprète pour ces militaires français, fut dénoncé devant eux par un certain nombre de Tutsi comme étant un génocidaire, les soldats de Turquoise le protégèrent dans un des véhicules de leur convoi. Les Tutsi se virent ensuite refuser leur proposition consistant en ce que des militaires français restent avec eux le temps qu’ils aillent chercher du secours à Kibuye. La raison invoquée fut leur crainte de ne pouvoir assurer leur propre sécurité. Au lieu de cela, ils leur suggérèrent de patienter trois jours, le temps de collecter le matériel dont ils leur affirmèrent avoir besoin aux fins de leur venir en aide. Les militaires français finirent par rebrousser chemin. Ainsi abandonnés à leur sort, c’est dès le lendemain matin 28 juin que les Tutsi furent attaqués par un nombre d’assaillants plus élevé que d’habitude, ces derniers ayant pris soin, avant de les attaquer, de commencer par les encercler. Les génocidaires utilisèrent, ce jour, des machettes différentes des machettes traditionnelles : neuves, leur manche était en plastique noir, tandis que leur lame était, elle, limée des deux côtés. Le fait que la lame soit à double tranchant leur permettait de donner un deuxième coup fatal à leurs victimes avant que celles-ci ne tombent au sol. Au cours de cette attaque, Michel entendit des Interahamwe dire qu’ils disposaient de trois jours pour tuer l’ensemble des Tutsi encore en vie. Le 30 juin, des soldats de Turquoise portèrent enfin secours aux derniers Tutsi survivants du massacre qui venait d’avoir lieu au cours des trois jours de leur absence. Seule la moitié d’entre eux avait survécu, parmi lesquels Michel qui resta alors près de trois semaines à Bisesero, après quoi il fit le choix de rejoindre la zone du FPR plutôt que de se rendre au camp de Nyarushishi.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC CÉCILE UWINEZA (RESCAPÉE) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 18 avril 2009 à Kibuye.

Vérification de la traduction : Rosine Urujeni pour la publication dans un livre.

Résumé : Cécile fait état de la rencontre en date du 27 juin 1994 entre les Tutsi de Bisesero, qui avaient jusque-là réussi à survivre aux massacres qui les ciblaient, et des soldats français de l’opération Turquoise. Ces derniers firent signe aux Tutsi alors cachés de les rejoindre, tandis que leur guide Twagirayezu faisait office d’interprète. Cécile fit partie des Tutsi qui supplièrent ces militaires de leur venir en aide. Après leur avoir expliqué s’être rendu là sans matériel, les Français finirent toutefois par s’en aller, tout en leur promettant de revenir les secourir un autre jour. Les Tutsi s’étaient désormais découverts, le guide milicien connaissant, quant à lui, dès lors leur effectif. Au cours des trois jours qui suivirent, les Tutsi subirent des attaques lancées par un nombre de génocidaires plus élevé que d’habitude, les tueurs ne finissant cette fois leur journée de « travail » que le soir tombé. Cécile aperçut, à partir du 28 juin, des soldats tirant avec des lance-roquettes en direction des Tutsi. Au cours de ces trois jours d’attaque, Cécile nota, par ailleurs, que les génocidaires disposaient d’une sorte de machette plus efficace que les machettes utilisées traditionnellement pour les besoins domestiques. Brillantes, d’apparence neuve, leur manche était noir. Leur lame étant enfin limée des deux côtés, le geste que faisaient les génocidaires qui l’utilisaient différait de celui qu’ils faisaient d’habitude en ce qu’ils donnaient maintenant deux coups dans le même mouvement, de façon à utiliser les deux côtés tranchant de la lame. C’est ainsi qu’ils gagnèrent notablement en efficacité.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC JEAN-BAPTISTE UFITAYEZU (RESCAPÉ) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 19 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye. Témoignage recueilli directement en français.

Résumé: Jean-Baptiste relate la rencontre qui eut lieu, le 27 juin 1994 à Bisesero, entre des soldats français de l’opération Turquoise et des Tutsi rescapés du génocide les ciblant. Tandis que leurs assassins prenaient, après les avoir pris en chasse au cours de la journée, le chemin du retour, un convoi de militaires français s’arrêta à l’endroit où se cachaient des survivants tutsi. Dans ce convoi avait pris place le chef des Interahamwe de la région, Jean-Baptiste Twagirayezu. Après que les Tutsi l’eurent dénoncé à l’attention des soldats français, ces derniers le protégèrent aussitôt dans un des véhicules. Les Tutsi désignèrent à l’attention des soldats de Turquoise leurs assassins alors visibles sur les collines. Les militaires français saisirent alors leurs jumelles, les aperçurent, avant d’indiquer en retour aux Tutsi qu’ils ne manqueraient pas d’en parler aux autorités locales de Gishyita. Les Français annoncèrent ensuite à Eric Nzabihimana qu’ils allaient maintenant partir, ne prévoyant de revenir que d’ici quelques jours les secourir. Ils invitèrent dès lors les Tutsi à se cacher pendant ce laps de temps. Jean-Baptiste nota qu’ils étaient pourtant suffisamment armés pour les protéger. Aussi ne comprit-il pas pourquoi ils ne prirent pas la décision de laisser sur place quelques-uns de leurs soldats afin d’assurer leur protection dans l’attente des secours, des soldats qui auraient très bien pu rester en contact avec leurs collègues à l’aide des radios dont ils disposaient alors. Il ne comprit pas enfin l’argument consistant à évoquer leur propre sécurité, ce alors qu’ils venaient de traverser tant d’endroits à risque afin de parvenir jusqu’à celui où ils se trouvaient, lui et ses collègues. Les attaques que subirent les Tutsi à partir du lendemain de l’abandon des Français impliquèrent plus de génocidaires que d’habitude. Ces derniers venaient de diverses régions du Rwanda, chacun étant reconnaissable notamment par le type de feuille dont ils s’étaient alors recouverts le corps.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC PASCAL NGOGA (RESCAPÉ) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 19 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye.

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Yvette Strano. Les sous-titres en français sont le résultat de cette vérification.

Résumé: Pascal relate la rencontre du 27 juin 1994 à Bisesero entre des soldats français de l’opération Turquoise venus en véhicules et des Tutsi ayant survécu aux massacres qui les visaient alors depuis près de trois mois. L’enseignant Jean-Baptiste Twagirayezu, qui faisait partie du convoi, informa les Tutsi que les soldats français étaient venus avec des hélicoptères afin de sécuriser la zone de Bisesero, et ainsi les protéger. Les Tutsi montrèrent un cadavre aux Français, qui aperçurent, par ailleurs, des Interahamwe déambulant avec leurs machettes sur les collines avoisinantes. Les soldats de Turquoise finirent par abandonner les Tutsi, ce après leur avoir signifié que n’étant pas encore prêts, ils comptaient s’en aller, ne comptant revenir que d’ici quelques jours afin de les protéger. À partir du lendemain, les Tutsi subirent de très fortes attaques impliquant plus de miliciens que d’habitude, ces derniers étant venus, pour l’occasion, de diverses régions du Rwanda. Fort de l’information qui leur avait été fournie la veille selon laquelle les hélicoptères français étaient là pour les protéger, certains Tutsi se mirent à faire des signes à destination de leurs pilotes, afin de leur signaler qu’ils étaient en danger. À cette occasion, Pascal put distinctement apercevoir aussi bien le pilote que le copilote d’un de ces hélicoptères volant à faible altitude. Blancs tous les deux, vêtus d’une salopette verte, ils portaient chacun un casque, le pilote portant, pour sa part, de grandes lunettes fumées. Pascal les observa tandis qu’ils regardaient sans rien faire, à travers leur vitre baissée, les Tutsi leur lancer des signaux de détresse. Le fait que Pascal parvienne à les décrire aussi précisément indique que ces deux Blancs ont dû être en mesure de les observer en retour avec le même degré de précision. Aussi ont-ils dû constater qu’ils avaient là affaire à des Tutsi sans uniforme, et ont-ils dû les distinguer des Interahamwe qui étaient alors en train de les poursuivre en courant, d’autant plus que les miliciens avaient alors, eux, des signes visibles de reconnaissance. C’est au cours de cette attaque que Pascal vit, pour la première fois, que certains Interahamwe – ceux de Cyangugu - utilisaient des machettes limées des deux côtés.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC LIBERATA MUKAGAHIMA (RESCAPÉE) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 19 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye.

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Yolande Mukagasana. Les sous-titres en français sont le résultat de cette vérification.

Résumé: Vers la fin du mois de juin 1994, Liberata quitta sa colline sur laquelle les Tutsi venaient d’être exterminés, et prit la fuite en direction de celle de Gitwa, dans la région de Bisesero. Les Interahamwe, qui y pourchassaient également sans répit les Tutsi, parvinrent à en massacrer la plupart. Certains des survivants s’enfuirent alors de la colline de Gitwa. Quant à Liberata, elle y resta. Un jour, alors qu’elle se cachait dans les buissons en compagnie de quelques autres survivants tutsi, elle aperçut un hélicoptère volant à basse altitude. Quelques-uns des Tutsi avec qui elle se cachait alors décidèrent de se découvrir pour approcher l’hélicoptère, dont ils étaient persuadés qu’il était piloté par des personnes venues leur porter secours. Liberata décida, quant à elle, de rester cachée dans les buissons, le temps d’observer ce qui allait réellement se passer. Lorsque les Tutsi arrivèrent à hauteur de l’hélicoptère, ce dernier reprit aussitôt son envol. Une vingtaine de miliciens, occupés jusqu’alors à tenter de débusquer les Tutsi des buissons, se mirent aussitôt à prendre la direction de ceux qui venaient de se découvrir. Liberata assista à la tuerie qui s’ensuivit par machette, constatant que l’hélicoptère n’était, quant à lui, pas encore vraiment parti, continuant à voler doucement de collines en collines, tout en touchant le sol de temps à autre. Liberata décida alors de rejoindre, à Kigezi, près de Gitwa, la maison du pasteur hutu de son église. Début juillet, tandis qu’elle se cachait chez lui depuis maintenant à peu près une semaine, il l’informa avoir entendu des Interahamwe se plaindre, alors qu’ils passaient devant sa maison, de ce que l’hélicoptère français, qui parvenait d’habitude à débusquer des Tutsi, n’était pas toujours efficace. Au moment où le pasteur décida de prendre la fuite vers le Zaïre, il entreprit de cacher Liberata dans sa voiture afin de la conduire à l’Ecole Normale Technique (ENT) de Kibuye, où les soldats de Turquoise avaient pris leurs quartiers. Bien que Liberata eût fini par apprendre que les hélicoptères qui débusquaient les Tutsi à Gitwa étaient français, elle n’eut d’autre choix que d’accepter l’offre de son pasteur. Une fois arrivée à l’ENT, elle eut tout le temps d’observer un hélicoptère français se rendre à Gitwa, finissant par se convaincre que celui qui avait tenté d’y débusquer les Tutsi au moment où elle s’y trouvait, était, ainsi que l’avaient, en leur temps, indiqué les Interahamwe, bien français. Le lendemain de son arrivée à l’ENT, Liberata partit pour le camp de Nyarushishi.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC ERIC NZABIHIMANA (RESCAPÉ) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 20 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye. Témoignage recueilli directement en français.

Résumé: Eric raconte que depuis le 7 avril 1994, date du début du génocide, les habitants de son village natal, Nyakiyabo, étaient parvenus à empêcher les génocidaires de pénétrer chez eux. Mais le 13 avril, cet endroit fut la cible de nombreuses attaques, les assaillants commençant alors à utiliser des armes à feu. L’insécurité devint telle que les cinq cent habitants prirent collectivement la décision de quitter leur village pour se rendre dans la région de Bisesero, où les Tutsi étaient encore si nombreux qu’ils s’y étaient répartis sur différentes collines. C’est sur celle de Murambi qu’Eric et les siens s’installèrent, se pliant à l’organisation défensive qui y avait été préalablement mise en place. Les Tutsi de différentes collines s’aidaient mutuellement, donnant le tambour lorsqu’il s’agissait de faire savoir que la leur était la cible d’une attaque. Les Tutsi parvinrent à résister à leurs assaillants tant que ces derniers n’utilisaient, comme eux, que des armes traditionnelles. Mais à la mi-mai, les génocidaires furent accompagnés de gendarmes et militaires alors armés de grenades et d’armes à feu, parmi lesquelles des armes lourdes. Ils parvinrent ainsi à éliminer tant de Tutsi que les survivants finirent par se regrouper sur une seule colline, celle de Bisesero. Pour se défendre, les hommes tutsi avaient pris l’habitude de se placer en première position, tandis que les personnes âgées ainsi que les enfants se chargeaient, pour leur part, de les approvisionner en pierres, qu’ils pouvaient dès lors lancer sur leurs assaillants, dont ils avaient fait en sorte qu’ils fussent toujours en contrebas. Quand, une fois encerclés, les Tutsi ne parvenaient toutefois plus à trouver d’échappatoire, c’est dans leur direction qu’ils se mettaient à courir. Une fois mélangés à leurs attaquants, toute tentative de ces derniers de les tuer à l’aide d’une machette, ou bien en leur tirant dessus, s’accompagnait inévitablement du risque d’atteindre l’un des leurs, si bien qu’ils n’avaient parfois d’autre alternative que celle consistant à laisser certains d’entre eux s’échapper. En juin, des cinq cent habitants du village d’Eric, il ne restait qu’une quinzaine de personnes. C’est alors qu’Eric apprit, par la radio, la nouvelle de l’imminence du déploiement d’une opération annoncée comme humanitaire, et impliquant des soldats français : l’opération Turquoise. De son côté, la radio du FPR lui fit savoir qu’ils étaient au contraire susceptibles d’être venus pour soutenir les militaires rwandais. Eric raconte les circonstances dans lesquelles il rencontra ces soldats français le 27 juin 1994 à Bisesero. Il commença par faire des signes à l’attention des chauffeurs des véhicules d’un convoi contenant des Blancs, et arborant le drapeau français, avant de finir par devoir forcer deux des Jeeps à s’arrêter. Il expliqua aux militaires français qu’ils étaient précisément ceux que ciblaient les massacres, n’hésitant pas à leur montrer des blessés ainsi que des cadavres. Jean-Baptiste Twagirayezu, qui servait à cet instant de guide aux soldats de Turquoise, se mit à dire à ces derniers qu’Eric était en train de mentir, arguant que c’étaient les Hutu et non les Tutsi qui étaient menacés. C’est pourquoi il était précisément en train de les conduire vers un camp où avaient effectivement trouvé refuge des Hutu, si ce n’est que les circonstances dans lesquelles ces derniers avaient dû y trouver refuge n’étaient, selon Eric, pas celles que le guide évoquait  : cohabitant avec les Tutsi, leurs maisons avaient en effet, selon lui, été brûlées par des miliciens qui, n’étant pas de la région, avaient cru qu’elles appartenaient à des Tutsi. C’est alors que le guide des Français, qui était par ailleurs instituteur, fut dénoncé à leur attention par deux de ses élèves, ces derniers soutenant qu’il s’agissait d’un génocidaire venant régulièrement les attaquer. Et alors que certains Tutsi tentaient de s’en prendre à lui, l’instituteur génocidaire fut aussitôt protégé par des soldats français qui l’aidèrent à prendre place dans un des véhicules du convoi. Tandis qu’Eric discutait avec les soldats de Turquoise, de très nombreux Tutsi s’approchèrent d’eux peu à peu sous les yeux des miliciens alors présents sur les collines avoisinantes. Or tout au long du mois de juin, et ce jusqu’à cet instant au cours duquel ils virent ainsi sortir d’un même endroit tant de Tutsi, les génocidaires avaient dû se rendre de buissons en buissons aux fins de les y débusquer. Ce ne serait donc, à compter de cet instant, plus nécessaire. Les Tutsi prirent soin de désigner leurs tueurs à l’attention des militaires français, afin de leur faire comprendre qu’ils s’étaient maintenant découverts à leurs yeux, et ce en nombre. Eric suggéra aux Français qu’ils les escortent jusqu’à la ville de Kibuye, où les soldats considéraient que la sécurité y était assurée. Située à une trentaine de kilomètres pas la route, cette ville était en effet atteignable en à peine six heures de marche, ce qui leur aurait fait atteindre leur point d’arrivée vers 9 heures et demie du soir. Les soldats refusèrent toutefois cette proposition, au prétexte que la sécurité ne pouvait être garantie, ce en dépit du fait que la nuit tombante, les miliciens s’en étaient, pour la plupart, déjà retournés chez eux. Les militaires français leur indiquèrent finalement qu’ils ne comptaient revenir que d’ici trois jours, sans pour autant leur expliquer la raison pour laquelle il leur fallait précisément ce temps pour se préparer. Ils ajoutèrent qu’ils se feraient fort de demander au préfet Kayishema qu’il sécurise la région, ce à quoi Eric ne manqua pas de leur rétorquer que ce dernier participait fréquemment et activement aux expéditions génocidaires dont ils étaient la cible. Les Tutsi leur demandèrent alors au moins de laisser ne serait-ce qu’un ou deux soldats français avec eux, le temps qu’ils organisent les secours, d’autant plus qu’un des véhicules militaires disposait d’un équipement radio qui leur aurait permis de rester en communication avec leur base. Mais en dépit des supplications des Tutsi, le convoi rebroussa chemin, les Français leur rétorquant qu’ils allaient, de ce pas, demander au préfet d’ordonner aux bourgmestres d’arrêter les attaques. Les deux bourgmestres auxquels ils faisaient ainsi allusion n’étaient autres que ceux de Gishyita et de Gisovu, respectivement Charles Sikubwabo et Aloys Ndimbati, deux grandes figures du génocide perpétré à l’encontre des Tutsi  ! Dès le lendemain matin, les attaques génocidaires reprirent, si ce n’est que les assaillants arrivèrent plus tôt que d’habitude, tandis qu’ils repartirent plus tard que les jours précédents. De plus, c’est en compagnie de nombreux militaires qu’ils déferlèrent désormais. Jamais ils ne s’étaient, depuis les attaques génocidaires des 13 et 14 mai, déplacés en aussi grand nombre. Parmi les nouvelles armes utilisées, Eric nota la présence de lance-roquettes, les roquettes parvenant à déraciner les arbres et brûler la forêt, de telle sorte que les Tutsi furent contraints d’en sortir. Eric aperçut des hélicoptères survoler le terrain du génocide au cours des grandes attaques que les Tutsi subirent les 28 et 29 juin. Ces derniers essuyèrent également une attaque au matin du 30 juin, date à partir de laquelle des blessés furent évacués à destination de Goma, au Zaïre, par des hélicoptères français.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC IGNACE BANYAGA  (ANCIEN ARCHIVISTE) :

Témoignage d'Ignace Banyaga (ancien archiviste de la préfecture de Kibuye) recueilli le 21 avril 2009 par Serge Farnel (2009) au Home Saint-Jean de Kibuye (Rwanda)

Témoignage recueilli directement en français.

Résumé: Ignace Banyaga travaillait comme archiviste dans les bureaux de la préfecture de Kibuye au moment du génocide. Il raconte qu’à partir du 7 avril 1994, il suivit les consignes de la radio nationale, et resta confiné chez lui. Il se souvient que le 22 avril, le préfet de Kibuye, Clément Kayishema, fit donner le tambour aux fins de convoquer la population à se rendre à une réunion le jour même. Ignace apprit du tambour qu’il s’agissait de déblayer les cadavres qui jonchaient alors la pelouse du stade Gatwaro. Mais Ignace refusa d’obtempérer au prétexte que c’était à ceux qui les avaient tués de les enterrer. Le 28 avril, il reçut la visite d’un groupe d’hommes venus le menacer de tuer sa femme, ce en représailles aussi bien à ce refus qu’aux propos qu’il avait tenu à cette occasion. Le 3 mai, Ignace fut informé qu’une réunion, à laquelle avait assisté le premier ministre Kambanda, venait de se tenir à la préfecture de Kibuye, et au cours de laquelle ce dernier avait fait état de ce que la paix était enfin revenue. Deux ou trois jours plus tard, les chefs de service furent chargés par le préfet de faire savoir que ceux qui n’auraient toujours pas repris leur travail à la date du 12 mai seraient désormais considérés comme déserteurs. C’est ainsi que le 9 mai, Ignace entreprit de retourner à son travail. Il fut dès lors présent dans la salle polyvalente des bureaux de la préfecture alors pleine de monde quand, le 16 mai, eut lieu une nouvelle réunion, cette fois en présence du président Sindikubwabo. À cette réunion avait été conviée la population locale qu’il s’agissait de remercier d’avoir exécuté les ordres du gouvernement. Quand les soldats de Turquoise arrivèrent à Kibuye, Ignace les vit s’installer en trois endroits : l’Ecole normale technique (ENT), l’Ecole technique officielle (ETO), ainsi que le stade Gatwaro. Il les vit alors circuler en Jeeps, ce sans pour autant qu’ils mettent fin aux destructions des maisons alors en cours dans la ville. Ignace n’aperçut jamais de soldats français s’éloigner des routes principales pour se rendre dans des zones plus reculées. Aussi ces militaires n’empêchèrent-ils pas les tueries de continuer là où elles avaient dorénavant principalement lieu, c’est-à-dire au sein même des familles qui tentaient alors de cacher des Tutsi.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC ANTOINE SEBIRONDO (RESCAPÉ) :

Témoignage de Antoine Sebirondo recueilli par Serge Farnel le 21 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye.

L'interprète est le caméraman Christian Gakombe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Léopoldine Pillionnel. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

Résumé: Une reconstitution sur les lieux de la scène du 12 mai 1994 décrite dans le présent témoignage a été effectuée par Serge Farnel, et filmée, le 30 avril 2009 sur la colline de Nyakigugu. Antoine raconte notamment les circonstances dans lesquelles il vit, le 12 mai 1994, passer sur la route un convoi de véhicules à bord desquels il reconnut des Blancs en uniforme, le convoi d'arrêtant une dizaine de kilomètres plus loin dans le fief des miliciens génocidaires.

Information pour comprendre le quiproquo de la minute 48 et donc comprendre la suite de cet entretien : L’interprète fait ici une erreur de traduction. Il me traduit en effet ceci : « J’ai vu Twagirayezu le 27 juin avec les militaires français, mais le 12, je l’ai vu passer dans le véhicule des militaires français à un endroit qu’on appelle Ruhuha. » L’interprète se trompe dans la mesure où le témoin n’a jamais dit avoir vu Twagirayezu dans le convoi du 12 mai. Or puisque le témoin va ensuite affirmer ne l’avoir effectivement pas vu dans ce convoi, et que l’interprète va cette fois correctement me le traduire, je vais devoir, au cours de cet entretien, revenir fréquemment sur cette question. Je veux alors comprendre le pourquoi de cette contradiction, sans savoir à cet instant qu’il n’y en a tout simplement pas.

[Le témoin va expliquer, au cours du présent entretien, que lorsqu’il voit, le 12 mai, des Blancs en uniforme, il ne sait alors pas qu’ils sont Français. Comme d’autres rescapés, il lui arrive ainsi d’intégrer ce qu’il a appris par la suite à ce qu’il a vu de ses propres yeux au moment des faits. Il arrive que je fasse également, dans cet entretien, ponctuellement l’erreur de dire « Français » au lieu de « Blancs » pour parler de cette scène du 12 mai. Cela est notamment dû au rythme de l’interview. Nous comprendrons toutefois, au fur et à mesure du déroulement de cet entretien, que ce témoin a, le 12 mai 1994, vu des Blancs en uniforme passer en voiture devant la colline de Nyakigugu. Il a vu ce convoi se rendre jusqu’à la colline de Ruhuha, endroit où ledit convoi s’est arrêté au milieu de nombreux miliciens.]

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC E. (RESCAPÉ) :

Témoignage d’E. (rescapé) recueilli par Serge Farnel le 29 avril 2009 au Home Saint-Jean de Kibuye (Rwanda)

Le témoin a préféré qu’on ne montre pas son visage.

Témoignage recueilli directement en français.

Résumé : Il fait état de l’entraînement, avant le génocide, des milices génocidaires Interahamwe par des soldats français.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC MOÏSE NIWEMUZUNGU (RESCAPÉ) :

Témoignage de Moïse Niwemuzungu recueilli par Serge Farnel le 29 avril 2009 au stade Gatwaro de Kibuye (Rwanda)

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC AURÉLIE MUSABEYEZU (RESCAPÉE) :

Témoignage recueilli par Serge Farnel le 29 avril 2009 à Kibuye au domicile d'Aurélie situé devant le stade Gatwaro. Témoignage recueilli directement en français.

Résumé: Aurélie était enseignante au moment du génocide. À partir du 7 avril 1994, elle décida de suivre les consignes émises à la radio, en restant, avec ses enfants, confinée dans sa maison. Mais le 12 avril, elle apprit que les génocidaires cherchaient désormais leurs victimes au sein même de leur demeure. Aussi se rendit-elle au stade Gatwaro, où policiers et militaires lui affirmèrent qu’ils assureraient la sécurité de l’ensemble des Tutsi qui s’y trouveraient. Elle s’y rendit avec son mari, avec ses cinq enfants, ainsi qu’avec celui qui travaillait alors chez elle. Une fois au stade, il était encore possible, avec toutefois la permission des gardes, d’en sortir, afin d’aller se procurer de quoi manger. Un petit trou dans un grillage permit à Aurélie d’aller, de temps à autre, rendre visite à sa cousine hospitalisée dans l’hôpital situé à quelques mètres à peine du stade, notamment pour lui apporter de quoi se nourrir, mais aussi pour y prendre de l’eau. C’est ainsi qu’elle la rejoignit notamment le 15 avril, accompagnée de son fils cadet de deux ans et de sa fille de quatre ans. Tandis qu’elle était à l’hôpital, on empêcha soudainement toute nouvelle entrée au stade, où les Tutsi se nourrirent dès lors de la viande de ces vaches qu’ils y avaient tués, après qu’on les eût autorisés à les faire entrer dans le stade. Au matin du 17 avril, ordre fut donné à tous les Tutsi de rejoindre le stade, ce que firent donc Aurélie et ses deux enfants. Ayant toutefois entendu, de la bouche de rescapés du massacre de l’église de Kibuye, que ce serait bientôt au tour des Tutsi réfugiés dans le stade d’être exterminés, Aurélie décida finalement de rejoindre à nouveau sa cousine à l’hôpital afin qu’elle ne meurt pas seule. Elle s’y rendit une fois de plus avec ses deux plus petits enfants. Au matin du 18 avril, des enfants des rues constatèrent qu’Aurélie se cachait à l’hôpital, mais ne dirent rien en retour aux miliciens qui leur avaient pourtant donné la mission d’y débusquer les Tutsi. De l’endroit où elle se cachait, Aurélie entendit, au début de l’après-midi, des coups de fusil ainsi que les cris des victimes du massacre du stade Gatwaro, où étaient restés son mari ainsi que trois de ses enfants. Le massacre dura toute l’après-midi. Seuls deux de ses trois enfants alors présents dans le stade y échappèrent. Aurélie fut ensuite cachée dans une pièce attenante à la salle de chirurgie par des amies infirmières, et passa plus de deux mois ainsi terrée. Ce ne fut qu’à la fin du mois de juin qu’elle sortit enfin de l’hôpital, après qu’on lui en ait intimé l’ordre, tout en l’assurant que le quartier serait désormais sécurisé. Elle retourna, avec son fils cadet et son aîné, dans sa maison qu’elle découvrit alors être saccagée. Un jour, des miliciens débarquèrent chez elle pour la tuer, ce qu’ils ne firent finalement pas, considérant que dans l’état de précarité dans lequel elle était, le temps s’en chargerait bien. Quelques jours plus tard, lui furent ramenés deux autres de ses enfants qui avaient jusque-là été cachés chez des voisins. Aurélie avait donc désormais quatre de ses cinq enfants avec elle. Le lendemain, des soldats français de l’opération Turquoise vinrent chez elle lui proposer d’assurer sa sécurité en l’emmenant ailleurs. Aurélie accepta, et fut filmée de façon systématique à chaque fois qu’elle se rendait dans sa maison afin de se saisir d’un de ses enfants, la caméra lui faisant toutefois, selon ses propres termes, bien moins peur qu’un fusil. Ils furent emmenés à l’Ecole normale technique (ENT) de Kibuye, après quoi c’est en direction du camp de Nyarushishi qu’ils furent convoyés.

  • ENTRETIEN AVEC AURÉLIE MUSABEYEZU ET TABITA :

Interview réalisée par Serge Farnel le 29 avril 2009 à Kibuye, au domicile d'Aurélie situé devant le stade Gatwaro. Témoignages recueillis directement en français.

Tabita est l'infirmière ayant caché Aurélie durant le génocide.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC AUGUSTIN KARARA AINSI QUE LE PRESIDENT ET SECRETAIRE DE LA JURIDICTION GACACA :

Témoignage d'Augustin Karara (bourgmestre de Gitesi) recueilli par Serge Farnel le 29 avril 2009 après son procès Gacaca dans les gradins du stade Gatwaro de Kibuye. Témoignage recueilli directement en français.

Ce témoignage est suivi d'un entretien avec le Secrétaire et le Président de la juridiction Gacaca. L'interprète est le caméraman Christian Gakombe.

  • RECONSTITUTION DES RASSEMBLEMENTS A MUBUGA DES 12 ET 13 MAI 1994 :

Reconstitutions faites avec Serge Farnel le 30 avril 2009 des matinées des 12 et 13 mai 1994 à Mubuga.

12 mai 1994 (avec François Nyamwigema): rassemblement de la population hutu à Mubuga avant leur départ pour une reconnaissance de Bisesero.

Interprète: Vénuste Kayimahe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Odile Mukayiranga Mutima. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

13 mai 1994 (avec Fidèle Simugomwa): rassemblement de la population hutu à Mubuga avant leur départ pour aller massacrer les Tutsi réfugiés à Bisesero.

Interprète: Vénuste Kayimahe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Yolande Mukagasana. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC SYLVESTRE NYAKAYIRO (RESCAPÉ) SUIVI D'UNE INTERVIEW DE SYLVESTRE AVEC DEUX GÉNOCIDAIRES :

Témoignage de Sylvestre Nyakayiro recueilli par Serge Farnel le 30 avril 2009 à Mubuga dans le commerce de Sylvestre.

Interprète: Vénuste Kayimahe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Yvette Strano. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

Résumé: Sylvère raconte qu’entre le 24 et le 27 avril 1994, sur la colline Kashyamba située dans la région de Bisesero, alors qu’il tentait de résister aux attaques lancées par des génocidaires rwandais, il aperçut quatre Blancs en tenue militaire, venus là en compagnie de policiers et de soldats rwandais. Après les avoir encerclés, ces derniers se mirent à gravir la colline tout en tirant, ce afin de débusquer les Tutsi qui tentaient alors de se cacher dans les buissons. Après que ces derniers furent contraints de se découvrir, ce fut au tour des miliciens de les attaquer. Il arrivait que les Tutsi fassent toutefois reculer ces derniers, et parviennent même à les poursuivre. C’était alors au tour des militaires d’entrer une nouvelle fois en scène en prenant à nouveau pour cible les Tutsi. Deux ou trois jours après ce massacre, Sylvère aperçut Ruzindana, ainsi que Sikubwabo, se rendre à Bisesero y demander aux Tutsi de bien vouloir se rassembler, afin qu’ils puissent leur venir en aide. C’est toutefois pour les massacrer qu’ils revinrent le lendemain. Sylvère raconte que le 12 mai, alors qu’il avait constaté qu’aucun massacre n’avait eu lieu depuis maintenant une semaine, il entendit des sifflets et des tambours destinés à faire savoir à la population hutu qu’elle devait se rassembler en vue d’un massacre prévu pour le lendemain. C’est ainsi que le 13 mai, Sylvère assista au déferlement sur Bisesero de nombreux génocidaires, parmi lesquels des Blancs en uniforme. Ces derniers étaient munis de lance-roquettes avec lesquelles ils tirèrent sur les Tutsi qui ne portaient, eux, alors pas d’uniforme, mais uniquement des vêtements sales. Ils n’épargnèrent ni les femmes, ni les enfants. [Ce témoin va m’ouvrir une nouvelle piste relative à la participation active de soldats blancs au génocide perpétré à l’encontre des Tutsi à Bisesero. Il s’agit cette fois d’une date proche de la fin du mois d’avril 1994. Je déciderai toutefois de rester concentrer, au cours de la suite de mes entretiens, sur le massacre génocidaire du 13 mai 1994. Le présent témoignage d’une participation active de soldats blancs à un massacre génocidaire qui aurait eu lieu fin avril sur la colline de Kashyamba à Bisesero ne me semble pas pour autant moins sérieux, ni digne d’investigation. Il m’a cependant fallu faire des choix. Or les quelques témoignages que j’avais, à cet instant, déjà recueillis quant à la présence de soldats blancs à Bisesero le 12 mai 1994, m’ont encouragé à persévérer à tirer le fil de l’Histoire des 12 et 13 mai. D’autant plus que le présent témoin me décrit, lui aussi, dans la deuxième partie de cet entretien, la participation active de soldats blancs à ce massacre génocidaire du 13 mai. D'autres témoins feront état aux enquêteurs qui poursuivront cette enquête de la participation de soldats blancs aux massacres de la fin avril.]

  • ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC JEAN NGARAMBE (PAYSAN GÉNOCIDAIRE) :

Témoignage de Jean Ngarambe (paysan génocidaire) recueilli par Serge Farnel le 30 avril 2009 à Mubuga.

Interprète: Vénuste Kayimahe. La retranscription écrite de cet entretien a, comme tous les autres entretiens, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Odile Mukayiranga Mutima. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

Résumé: Jean Ngarambe raconte que le 12 mai 1994, alors qu’il était paysan, il se rendit à Mubuga, où il savait qu’il trouverait des militaires rwandais. Or ce sont des soldats français qu’il eut la surprise d’y rencontrer. Ils étaient alors en compagnie du conseiller de Mubuga, Vincent Rutaganira, ainsi que du bourgmestre de Gishyita, Charles Sikubwabo. Jean fut désigné, dans un premier temps, pour accompagner les soldats français en direction de Bisesero, mais se rendant bientôt compte qu’il ne parlait pas français, c’est, selon Jean, finalement un certain Jean-Baptiste Twagirayezu qui eut pour mission de les y accompagner. Vincent Rutaganira se chargea ensuite de faire donner le tambour, afin de rassembler les habitants du secteur, leur faire savoir que les Français étaient venus leur apporter du soutien, et leur donner enfin rendez-vous pour le lendemain matin en vue d’une attaque génocidaire prévue à Bisesero. Ainsi le lendemain matin 13 mai, c’est par une piste que Jean s’y rendit, avec pour armes une machette et une massue. Pour différencier les Hutu des Tutsi, les Hutu s’étaient recouverts le corps de feuilles, dont le type devait permettre de déterminer la région dont ils étaient originaires. Au bout d’un peu plus d’une heure de marche, Jean atteignit la colline de Sakufe où se déroula le premier massacre anti-Tutsi. Il raconte qu’à Bisesero, les assaillants se mirent notamment à rabattre les Tutsi en direction des positions des soldats rwandais et français, après quoi ces derniers leur tiraient dessus. Ce n’est que dans un deuxième temps que les blessés tutsi étaient achevés par les miliciens.

  • RECONSTITUTION DE LA MATINÉE DU 12 MAI 1994 À BISESERO FAITE PAR SERGE FARNEL LE 30 AVRIL 2009 AVEC ADRIEN HAROLIMANA PUIS ANTOINE SEBIRONDO (RESCAPÉS) :

Interprète: Vénuste Kayimahe. La retranscription écrite de ces interviews ont, comme tous les autres, fait l’objet d’une vérification minutieuse de la première traduction à la volée du kinyarwanda vers le français. Vérification de la traduction : Odile Mukayiranga Mutima. L'échange après vérification de la traduction est consigné dans un livre.

Résumé de la reconstitution avec Adrien Harolimana: Au cours de cette reconstitution réalisée le 30 avril 2009 à Bisesero d’un témoignage entendu quelques jours plus tôt à Kibuye, Adrien indique les circonstances précises dans lesquelles il a aperçu, le 12 mai 1994, des soldats blancs passer sur une route de Bisesero en compagnie d’un homme noir.

Résumé de la reconstitution avec Antoine Sebirondo: Au cours de cette reconstitution réalisée le 30 avril 2009 à Bisesero d’un témoignage entendu quelques jours plus tôt à Kibuye, Antoine raconte les circonstances précises dans lesquelles il a aperçu, le 12 mai 1994, des soldats blancs passer sur une route de Bisesero. Il explique qu’après être passé à hauteur de la colline de Nyakigugu où il se cachait alors, le convoi de véhicules s’arrêta une dizaine de kilomètres plus loin, à Ruhuha, bientôt rejoint par de très nombreux miliciens alors venus entourer les véhicules.